Faune

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III. Oiseaux sauvages

Des légendes assez nombreuses attribuent les particularités de couleur du plumage des oiseaux à des actes postérieurs à la création.
Quelques-uns sont devenus, comme Prométhée, les bienfaiteurs de l'humanité en allant chercher au ciel, plus rarement dans l'enfer, le feu qui manquait à notre globe, et c'est au cours de ces dangereuses expéditions que l'aspect de leur plumes s'est modifié.

On a recueilli plusieurs traditions relatives à cette entreprise :
celle de l'Orléanais y fait participer trois oiseaux;
le roitelet ayant dérobé le feu du ciel descendait l'apporter sur terre, mais ses ailes brûlèrent et il fut obligé de confier son précieux fardeau au rouge-gorge;
ce dernier, l'ayant posé sur sa poitrine, eut à son tour le cou brûlé;
l'alouette vint recueillir le feu sacré et put atteindre la terre, où elle abandonna son trésor aux hommes.

 

Suivant d'autres récits, ces empreintes se rattachent à la Légende dorée, et d'ordinaire elles attestent le rôle compatissant que ces oiseaux jouèrent dans le drame de la Passion.

C'est à sa pitié que le rouge-gorge doit la couleur de son plastron, et le nom qui le désigne habituellement.
En Normandie et en Haute-Bretagne, on dit qu'il suivit Jésus dans les stations de sa voie douloureuse, et qu'ayant vu une épine qui s'enfonçait dans son front, il l'enleva doucement;
la tache rouge qu'il porte rappelle la goutte de sang qui perlait au front de Jésus.
En Basse-Bretagne, celle du roitelet a été produite par le sang qui tomba sur sa gorge, pendant qu'il essayait d'arracher les épines de la couronne.

D'après une légende lorraine, la nuance lie de vin de la linotte des vignes a une origine en rapport avec son arbuste favori :
un jour que saint Vincent, le patron de la vigne, était assis dans une cabane de vigneron du pays de Toul, dont le maître était absent, la linotte se plaignit à lui d'être toute grise, sans aucune décoration.
Le saint se versa un verre de vin, et invita l'oiseau à s'y désaltérer;
comme celui-ci n'y trempait que son bec, il le saisit et le plongea jusqu'à la poitrine dans le jus, qui a taché son plastron en rouge.

D'autres oiseaux, autrefois d'une blancheur immaculée, sont devenus noirs à la suite d'actes coupables ou imprudents.
Le corbeau resta blanc jusqu'au jour où il se présenta devant Dieu tenant dans son bec un morceau de chair humaine;
Dieu irrité le condamna à devenir le plus noir des oiseaux.

Suivant un conte de l'Ain, le merle qui était du blanc le plus pur, ayant vu la pie déposer des diamants et de l'or dans le creux d'un arbre, lui demanda où elle les avait pris, et elle lui dit qu'il fallait aller trouver dans les entrailles de la terre le prince des richesses, lui offrir ses services, et qu'il lui permettrait d'emporter tout ce qu'il pourrait prendre dans son bec, mais qu'il devait se garder de toucher aux trésors étalés dans les cavernes qu'il aurait à traverser.
Le merle obéit d'abord;
mais à la seconde caverne, il enfonça son bec dans la poudre d'or étendue sur le sol.
Aussitôt un affreux démon parut, qui jeta sur lui feu et fumée;
le merle s'enfuit, mais la fumée vomie par le monstre ternit à jamais son plumage :
il devint tout noir, à l'exception de son bec qui garde la couleur de l'or qu'il avait voulu dérober.

 

Une légende lorraine rattache à un épisode du déluge les belles colorations du martin-pêcheur.
Noé, après avoir lâché la colombe chargea l'oiseau bleu d'aller voir si la terre reparaissait.
Lorsque celui-ci quitta l'arche le matin, il s'éleva un si grand vent, que pour ne pas être précipité dans l'onde, il prit son essor vers le ciel.
Il arriva bientôt dans le bleu du firmament où il n'hésita pas à s'enfoncer :
de gris qu'il était auparavant, son plumage se colora de bleu. Parvenu à une grande hauteur, il vit le soleil qui se levait bien loin au-dessous de lui;
il dirigea son vol de ce côté pour le voir de plus près;
plus il en approchait, plus la chaleur devenait vive; les plumes de son ventre commencèrent même à roussir et à prendre feu.
Il se hâta de venir l'éteindre dans les eaux qui couvraient la terre.
Mais il eut beau regarder, l'arche avait disparu, parce que Noé l'avait démolie pour en faire une maison et des étables.
L'oiseau se mit à appeler Noé, en poussant des cris aigus.
Aujourd'hui encore, on le voit cherchant le long des rives s'il ne retrouvera pas l'arche ou quelques-uns de ses débris.

 

En plusieurs pays, le pivert est appelé l'avocat ou le procureur des meuniers;
son nom et l'interprétation de son chant indiquent qu'il implore la pluie qui, suivant la croyance générale, peut seule le désaltérer.
Des légendes expliquent pourquoi il est ainsi puni :
les paysans de la Gironde disent que, lorsque le bon Dieu fut à même de creuser la mer, les fleuves et les fontaines, il chargea de ce travail les oiseaux du ciel, qui tous se mirent à l'œuvre, sauf le pivert.
La besogne achevée, Dieu déclara que le pivert, n'étant pour rien dans le creusement des réservoirs terrestres, ne boirait d'autre eau que celle de la pluie, happée en l'air comme il pourrait.

Suivant une tradition de Dinan, après la fin du déluge, le globe se trouva si parfaitement desséché qu'il n'y restait pas la moindre humidité;
Dieu ordonna à tous les oiseaux de se rendre au Paradis, de prendre chacun une goutte de rosée sur les arbres qui y croissent, et de venir la déposer à un endroit qu'il leur indiqua.
Ils obéirent, et, en quelques minutes, la mer fut remplie et les ruisseaux se remirent à couler.
Le pivert, qui seul avait refusé de se déranger, fut condamné à ne jamais se désaltérer aux ruisseaux et aux fontaines : c'est pour cela que, lorsque la soif le dévore, il frappe les troncs d'arbres avec son bec, espérant y trouver la goutte de rosée qu'il n'a pas voulu aller chercher au ciel.

 

En Lorraine, les filles qui ont passé l'âge de trente ou quarante ans et qui commencent à trouver le temps un peu long de n'être pas encore recherchées en mariage, vont souvent dans la forêt crier à la chouette, c'est-à-dire accompagner ses tristes lamentations.
On croit dans les campagnes, aux environs de Châteaubriant, qu'après leur mort les vieilles filles sont métamorphosées en chouettes, et qu'elles vont crier la nuit.

D'après une tradition des Côtes-d'Armor, un chêne séculaire de la forêt de Coat an hay est habité depuis un temps immémorial par une chouette rousse, dans le corps de laquelle se serait incarnée l'âme de Perrinnaic, la très problématique compagne de Jeanne d'Arc.

 

Des oiseaux sont torturés ou respectés en raison de circonstances qui se lient parfois à la légende dorée.
Suivant une tradition du Berry, la pie grièche apporta les épines dont fut couronné le Christ;
aussi lorsque les petits paysans en attrapent une, ils lui font subir la peine du talion, en lui enfonçant dévotement des épines ou des épingles dans la tête.
L'hirondelle, au contraire, est venue enlever, une à une, dans son bec, les épines qui déchiraient le front de Jésus : dans les villages de Wallonie, celui qui abattrait son nid passerait pour sacrilège, et l'on croit qu'il s'attirerait infailliblement la punition du ciel.
La même légende est populaire en Saintonge.

 

Une légende bretonne raconte pourquoi il est impossible de trouver le nid du courlieu.
Lorsque le vaisseau qui portait la saint Famille en Egypte fut sorti du port, des milliers d'oiseaux voltigèrent autour; quelques-uns même entrèrent dans la cabine où se trouvaient les saints voyageurs, et, parlant breton, les avertirent qu'un orage allait éclater.
Saint Joseph, comprenant leur avis, demanda une embarcation pour les reconduire à terre, et, pendant la traversée, ils chantaient autour de lui.
Ils avaient sauvé la sainte Famille, car la tempête s'éleva presque aussitôt et le vaisseau fut submergé.;
or ces oiseaux étaient des courlis, et Jésus, pour les récompenser, a permis que leurs nids ne tombent jamais sous la main cruelle des enfants.
Dans l'Albret, la bécasse a le même privilège parce que, lors de la fuite en Egypte, elle effaçait les traces que laissaient les fugitifs;
en récompense, la Vierge lui dit qu'elle serait un oiseau distingué et que l'on ne pourrait jamais découvrir son nid.

 

Il est vraisemblable que la diversité des œufs est l'objet d'explications légendaires, et que celle-ci, qui vient de Basse-Bretagne, n'est pas unique : les œufs du rouge-gorge sont bleus comme le ciel depuis que cet oiseau s'est montré compatissant lorsque le Christ agonisait sur la croix.
En Picardie, ce n'est pas un œuf, mais une pierre aux couleurs brillantes qu'un oiseau appelé houpe pond dans son nid;
si on pouvait la trouver, on serait invisible en la portant sur ses vêtements.
D'autres pierres, sans avoir été pondues par l'oiseau possèdent le même privilège, comme celle qu'on trouve en Corse dans le nid du traquet;
et l'on dit dans le Luxembourg belge, que le tarin, au moyen d'une pierre connue de lui seul, parvient à dérober son nid à tous les regards.

 

Le nid que plusieurs oiseaux construisent le long des murs de la maison ou sur les arbres du voisinage est un porte-bonheur.
En ce qui concerne l'hirondelle, la croyance est générale.
Autrefois elle donnait lieu en Provence à une sorte de fête : le paysan qui la voyait s'établir sous son toit ne manquait pas de réunir ses voisins pour célébrer cet heureux événement par des libations.
A XVème siècle, on disait dans le nord de la France : « Quand une cygoingne fait son nyd dessus une cheminée, c'est signe que le seigneur de l'ostel sera riche et vivra longuement. »
Les nids des moineaux et ceux des pies constituaient un excellent pronostic :
« Se moussons gargonnent ou font leurs nyds, c'est signe de bon air et de bonne fortune; et se la pie fait son nid en son pourpriz, c'est tout bon signe. »

 

Les paysans nivernais expliquent l'habitude bien connue du coucou de pondre dans le nid des autres, en disant qu'il aime tant à chanter qu'il ne pourrait se taire en couvant, et qu'il ne tarderait pas à être découvert.
On croit, aussi dans ce pays, que lorsqu'il se met à redoubler son chant en le pressant, il avale les œufs d'un nid, et qu'il dit à l'oiseau qui les couve :
Coucoucou, coucoucou,
Groue les coques
(couve les coquilles).

 

On prétend, dans la Nièvre, que lorsque les jeunes hirondelles ne se mettent pas assez tôt à manger, leur mère leur arrache la langue, et quand on trouve une petite hirondelle morte dans la cheminée ou dans le foyer, c'est sa mère qui l'a tuée.

 

La corneille passait au XVIème siècle pour un modèle de fidélité conjugale :
Ell' est de si chaste courage
Et ayme son masle si fort
Que s'il est surpris de la mort
Tousiours ell' demeure en veufuage
.

 

Quelques oiseaux sont réputés pour leur piété filiale;
les paysans normands disent que les petits de la huppe, devenus grands, se dépouillent d'une partie de leurs plumes pour vêtir leurs père et mère glacés par l'âge; ils les couvent même pour les réchauffer et leur fournissent la pâture quotidienne.

 

Certaines espèces passent pour avoir des habitudes de vol;
c'est ainsi que l'on a prétendu que l'engoulevent tétait les chèvres.
L'ancien proverbe « Larron comme une pie » est encore usité sous les formes : « Voleur ou fripon comme une pie. »
Les lavandières de la Haute-Bretagne assurent que les agaces (pies) sont friandes de savon, et que si, en quittant leur pierre, elles n'avaient soin de le cacher, elles viendraient le leur dérober.
En Ille-et-Vilaine on les accuse de voler les poussins et les canetons.
Dans plusieurs pays on connaît la légende de la pie qui, ayant dérobé et caché un objet précieux, fait soupçonner faussement une servante.
En Alsace, une fille fut pendue parce qu'on prétendait qu'elle avait pris une cuiller d'argent, qui fut plus tard retrouvée à l'endroit où la pie l'avait portée;
il pleut toujours à l'anniversaire de son supplice.

 

Les alouettes volent toujours très haut, dit-on en Franche-Comté, parce qu'elles vont boire au-dessus du temps (ciel).
Dieu les a condamnées à y aller pour les punir de ce que en volant, elles disent toujours :
« Bougre, bougre, bougre et mâtin. »

Dans le pays de Tréguier, on explique autrement cette particularité :
au temps des premiers hommes, l'alouette allait ouvrir la porte du ciel à l'âme des morts;
c'est de là que lui est venu son nom de Alc'houeder, porte-clefs.
Elle faisait deux voyages par jour, le matin pour ceux qui mouraient dans la nuit, le soir, pour ceux qui mouraient le jour.
Mais quand Jésus-Christ monta au ciel, il ne voulut plus d'elle pour portière parce qu'elle jurait souvent : « Diu ! »
et il la remplaça par saint Pierre.
Depuis, de temps en temps, elle veut encore pénétrer au séjour céleste et on la voit monter à perte de vue en chantant et en protestant qu'elle ne jurera plus;
mais quant elle a vainement supplié saint Pierre, elle se met en colère et redescend à tire d'ailes en jurant de plus belle.

 

D'après une croyance très répandue, lorsque le pivert a donné un coup de bec dans un arbre, il va de l'autre côté pour voir s'il l'a traversé.
En Haute-Bretagne, où l'on assure qu'il aiguise son bec sur des tiges d'anis, s'il frappe les arbres, c'est qu'il espère y trouver la goutte d'eau qu'il n'a pas voulu aller chercher en paradis.

 

Au XVIème siècle, on attribuait, comme bien auparavant à la cigogne l'invention de la seringue :
« Quand elle se sent grevée par trop manger, la cigogne prend de l'eau dans son bec qu'elle met en son corps par le fondement pour amollir la matière qui est trop dure dans son corps et par ce elle se purge.

 

Bien que les hirondelles soient regardées comme inoffensives, et que, dans le Bordelais, on assure qu'elles ne font de mal que dans le pays au poivre où elles mangent du poivrier, on croit qu'elles peuvent nuire au bétail;
en Franche-Comté, une vache est harondalée, lorsqu'un de ces oiseaux a passé sous son ventre, et l'on croit, comme dans la Meuse, que son lait s'est converti en sang, et que rien ne peut la guérir, pas même si l'on verse à un carrefour ce lait échauffé.

 

Les marins et les habitants du littoral croient qu'il est dangereux de tuer les oiseaux de mer;
il arrive des accidents aux navires lorsqu'on a tué un pétrel ou un goéland.

 

Dans le Loiret, le jour de la Chandeleur, on tue un rouge-gorge mâle;
on l'embroche avec une baguette de coudrier et on le pose sur les chenets devant le feu;
aussitôt placée, cette broche improvisée se met à tourner toute seule.

 

Présages et rencontres

Les augures que l'on tire du vol ou de la vue des oiseaux sauvages sont rarement favorables.
On peut cependant noter des exceptions :
en Ardennes, celui qui en se levant voit voler des moineaux, des corbeaux, des pies ou des buses, réussira toute la journée au gré de ses souhaits.

En Haute-Bretagne, une pie vue de bon matin annonce qu'on recevra une lettre.

Dans le Loiret, un merle qui traverse le chemin devant quelqu'un lui porte bonheur.

Lorsque la première hirondelle paraît au printemps, les garçons à marier de la Saintonge trouvent, en regardant sous leur soulier, un cheveu qui est de la couleur de ceux de la femme qu'ils épouseront.
En Poitou si on y voit un poil on aura de la chance toute l'année.

 

La liste des oiseaux dont la vue constitue un pronostic fâcheux est beaucoup plus longue.

La rencontre d'une pie est souvent défavorable :
en Lorraine, dans la Montagne Noire, en Normandie, en Haute-Bretagne elle annonce un accident prochain à celui qui entreprend un voyage,
le bazvalan (voir chant de mariage - Ar goulenn, page 17) se gardait bien de continuer sa route, certain que la demande en mariage qu'il allait faire serait rejetée.

Les pêcheurs de Guernesey sont persuadés que, s'ils voient un cormoran avant d'apercevoir une mouette, ils ne prendront pas de poisson de la journée.

 

Les oiseaux en nombre impair sont en général funestes.

Dans la Beauce, voir deux pies ou deux corneilles, c'est du bonheur;
n'en voir qu'une seule, c'est de la malchance.

Dans les Vosges, la rencontre de trois corbeaux, le vendredi, présage un malheur dans la famille.

Dans le Morbihan, il passera bientôt un enterrement sur la route où trois pies sautillent.

 

Les bandes de corbeaux qui volent d'une certaine manière ont été de tous temps regardés comme un signe avant-coureur de calamités, et parfois elles menaçaient toute une contrée :

« Avant que la grande peste qui a affligée Paris et presque toute la France en 1561, 1562 et 1563, on ne voyait que corbeaux en l'air sentans l'indisposition d'iceluy et s'assemblans à l'odeur de la prochaine mortalité. »

Théodule, évêque d'Orléans, a décrit un combat singulier entre deux troupes d'oiseaux qui aurait eu lieu en 798 sur les frontières du pays toulousain et du Quercy et dont il aurait été témoin.

En 1451, des pies et des geais se livrèrent bataille sur les confins de la Bretagne, et ce prodige se renouvela au moment où la guerre éclata entre ce pays et la France (1488)

« En 1492, on vit le 4 mai, entre Paris et Villejuif, plus de 400 corbeaux s'entre battre avec tant de furie et croasser si effroyablement que le lieu rougit de leur sang.

 

Dans la Nièvre si un coq répond au coucou, c'est que dans la maison la femme trompe le mari ou qu'une fille y est enceinte.

On prétend dans la Lozère que si on chante coucou à cet oiseau, il répond cocu, et réciproquement.

 

Suivant une croyance très répandue, le chant de certains oiseaux influe sur la santé, la chance ou la richesse de celui qui l'entend pour la première fois, ou lui prédit tout au moins ce qui lui arrivera.

Le coucou est le plus connu de ces prophètes ailés; mais d'autres oiseaux ont également ce privilège.

L'influence fâcheuse s'exerce presque toujours sur les personnes à jeun : aussi vers 1839, les villageoises de la Charente-Inférieure ne laissaient pas sortir leur maris avant de leur avoir fait « tuer le ver »;
en Haute-Bretagne, en Lorraine, ceux qui n'ont pas pris cette précaution et qui entendent le coucou sont exposés à ne pouvoir, de toute l'année, satisfaire leur appétit.
En Poitou, dans le Nivernais, dans l'Yonne, ils seront mous et sans courage;
dans le Loir-et-Cher, dans l'Albret, ils auront la fièvre;
dans le Limousin ils seront mangés par les puces.
En Limousin, celui qui, étant au lit, entend cet oiseau sera fainéant toute l'année;
en Haute-Bretagne, s'il est à faire ses besoins, il aura pendant la même période un dérangement de corps.

D'autres oiseaux, entendus pour la première fois à jeun, annoncent aussi des disgrâces.
Dans la Charente-Inférieure, la tourterelle fait dormir;
dans les Deux-Sèvres, la Vienne et en Saintonge, le moissonneur qui entend la caille, en Poitou celui qui entend le rossignol se coupera les doigts.

Sil entend une huppe, il ne peut s'empêcher de se donner en marchant des coups de pied dans les chevilles;
la tourterelle, dite tourtoule, fait tordre la goule, le rossignol amène le torticolis;
en Saintonge, la huppe, dans les Deux-Sèvres le rossignol, dans la Vienne le loriot étaient la cause que les femmes se coiffaient de travers, parfois pendant toute l'année.

 

En France, en Wallonie, dans la vallée d'Aoste, à Guernesey les personnes qui, la première fois qu'elles entendent le coucou, ont de l'argent sur elles n'en manqueront pas de l'année;
dans le cas contraire, elles seront pauvres pendant le même espace de temps.
A Liège et dans la Gironde il est bon, pour assurer la chance, de porter la main dessus, ou de tenir une pièce entre les dents;
à Guernesey, on remue l'argent, et quelques personnes se mettent même à genoux;
dans l'Yonne, on fait la culbute.

Dans la Gironde, pour éviter d'avoir un lumbago dans le courant de l'année, il faut se laisser tomber sur le dos quand on l'entend pour la première fois;
dans les Vosges, on peut se débarrasser du mal de dos en se roulant par terre;
dans les Ardennes, on se préserve ainsi de toute colique.
Dans l'Yonne, pour ne pas avoir mal aux reins pendant la moisson, se rouler sur le sol, ou se bousculer sur une taupinière fraîche;
en Basse-Bretagne, frotter sur la terre la partie malade.
Dans l'Albret, quand on voit la première hirondelle, on doit se laisser tomber sur l'échine pour n'avoir ni sciatique ni le mal de dents.

 

Au XVIIème siècle, lorsqu'on entendait le coucou pour la première fois, on cernait la terre qui était sous le pied droit, et on la répandait dans la maison afin d'en chasser les puces.

 

En Poitou, la pie est l'amie des chasseurs et des bergers :
un lièvre se relaisse-t-il, elle se perche près de lui et prévient le chasseur par ses croassements;
elle rend le même service aux gardeurs de moutons en leur signalant l'apparition du loup dans la campagne.

Quand on entend le vacarme de plusieurs pies réunies, il y a auprès de l'arbre où elles sont un chien enragé ou un lièvre.

 

On consulte le coucou pour savoir combien d'années l'on a encore à vivre;
autant de fois il répète son cri, autant on peut s'attendre à échapper à la mort.
Cette superstition très ancienne figure dans un des poèmes de Renart.

 

Les paysans croient pouvoir prédire le temps d'après les gestes des oiseaux.

En Berry, en Rouergue et en Saintonge, les pies construisent leurs nids dans les basses branches lorsque l'année doit être orageuse; si elle doit être calme, elles nichent tout à fait au sommet.

On rencontre dans le Centre une consultation par les entrailles des oiseaux.
Les chasseurs examinent les premiers canards tués à l'automne :
si le sternum ou bréchet est rouge, l'hiver sera rude, s'il n'est que partiellement rouge, l'hiver ne sera que partiellement froid.

 

Sorcellerie et médecine

La pie est l'oiseau sauvage qui a le plus d'accointances avec les suppôts du diable;
on dit en Poitou quelle obéit aux sorciers et leur sert de messagère lorsqu'ils veulent jeter des sorts sans être vus.

Dans le Bocage vendéen, deux filles se transformèrent en pies pour arracher tous les jeunes choux que l'on venait de planter dans un champ.

 

Certaines parties des oiseaux étaient ou sont encore employées dans les enchantements :
au XVIIème siècle, on disait qu'il fallait, pour se rendre invisible, porter une perruque faite des cheveux d'un pendu et arrosée du sang d'une pupu (huppe).
On croyait empêcher les gens de dormir en mettant dans leur lit un œil d'hirondelle; cent ans plus tard c'était un nid.
Cette superstition a disparu ou s'est modifiée;
dans les Vosges, un œuf de cet oiseau placé dans le lit produit le même résultat.

 

En Corse, pour obtenir l'objet de tous ses vœux, on arrache la langue d'un vautour, sans couteau ni instrument, on l'enveloppe dans du linge neuf, et on la met à son cou.

En Saintonge, celui qui portait des yeux de huppe dans le creux du nombril disposait, rien qu'en le regardant, son ennemi le plus acharné à se réconcilier avec lui.

Dans la Suisse romande, on fait manger à un enfant, pour qu'il ait de l'intelligence et une bonne mémoire, un cœur d'hirondelle.

Au XVIème siècle, celui qui avait mangé d'un cicoigneau était assuré de ne pas avoir de toute l'année les yeux chassieux.

Dans la Gironde, une omelette composée de cinq, neuf ou treize œufs de chouette guérit les personnes adonnées à la boisson;
dans le pays de Liège, le remède est efficace quel que soit le nombre d'œufs.

 

Les excréments des oiseaux occupent une place dans la pathologie et dans la superstition.
Au XVIème siècle, on croyait, comme encore en Haute-Bretagne et dans la Beauce, que la fiente d'hirondelle en tombant sur les yeux pouvait faire perdre la vue;
en Saintonge, celle de la buse porte malheur, alors qu'en Corse on est assuré de ne pas mourir de l'année si on reçoit sur sa personne celle d'un oiseau qui vole.

 

Dans les Côtes-d'Armor, pour couper les fièvres, on fend une pie en quatre, et on applique tout chauds deux morceaux sur les reins, et les deux autres sur la plante des pieds.

 

Des parallèles de la légende bien connue d'Ibycus ont été recueillis en France à des époques différentes.
L'un deux était populaire au Moyen Age.
Un juif s'étant mis sous la garde d'un seigneur, auquel il donna une bonne partie de son avoir, celui-ci le confia à un sien serviteur, chargé de l'accompagner au lieu qu'il lui désignerait.
Au milieu du chemin, l'écuyer s'écria :
« Je peux te tuer ! »
Au même instant une troupe de perdrix prit son vol.
« Ne le fais pas, dit le juif, les perdrix t'accuseraient ! »
Il le tua néanmoins, et, quelques jours après ce même écuyer découpant devant son maître des perdrix que l'on avait fait cuire, une vessie se mit à siffler.
L'homme pâlit, se rappelant la parole du juif, et se mit à trembler de tout ses membres.
Le seigneur le questionna, et quand le crime fut reconnu, il le fit pendre.

 

Quelquefois les oiseaux se montrent secourables tels :
le chat-huant qui donne à un aventurier une plume qui transporte,
la colombe qui porte à manger à une sainte,
la pie qui nourrit la fille aux bras coupés.
Ils avertissent aussi des dangers : en Haute-Bretagne, un petit oiseau chante à une servante pour qu'elle se hâte de quitter un château prêt à s'écrouler.
En Lorraine un hibou dissuade une jeune fille de son entreprise;
en Haute-Bretagne, un petit oiseau envoyé par une magicienne indique ce qu'il faut faire;
dans un conte du pays de Bitche, un moineau qui entend une jeune fille se plaindre d'être enfermée par sa marâtre trouve moyen de la délivrer et de la marier.

 

La légende dorée populaire parle assez souvent d'oiseaux qui ont été conjurés par des saints à cause de leur importunité, et qui ne peuvent plus se montrer à certains endroits.
Landry, évêque de Mâcon, excommunia les passereaux qui entraient dans l'église Saint-Vincent, la souillaient et troublaient les offices, en les menaçant de mort s'ils osaient enfreindre sa défense;
depuis ils l'ont quittée, et quoiqu'une multitude y aient fait leur nids, ils n'y entrent jamais.

A Saint-Guillem du Désert, il n'y a plus de pies depuis que ce saint les a excommuniées, et si l'on y en apporte une, elle ne peut y vivre plus de trois jours.

On ne voit plus d'hirondelles à la cathédrale de Clermont : elles ont été maudites par un évêque parce qu'elles faisaient trop de bruit pendant qu'il prêchait.

 

Voici un conte du Moyen Age mettant en scène un oiseau.
Un écolier ayant blâmé Adam d'avoir été assez sot pour manger le fruit défendu, alors qu'il y en avait de meilleur dans le Paradis, et déclaré qu'à sa place, il s'en serait bien gardé, son maître alla placer entre deux belles et grandes écuelles un oiseau, et l'invita à entrer dans sa chambre en disant qu'il lui permettait de toucher à ses livres et à tout le reste, mais non à l'écuelle, puis il partit pour la messe.
Avant qu'il en fût de retour, l'écolier avait soulevé les écuelles et l'oiseau s'était envolé.
D'autres versions de ce conte mettent en scène une souris ou une linotte.

 

Dans plusieurs contes, des domestiques se sont engagés à servir jusqu'au premier chant du coucou, qui comme on le sait, arrive à périodes assez fixes;
ordinairement le maître qui veut se débarrasser de lui charge sa femme ou sa fille de monter dans un arbre et de chanter coucou, et le domestique la tue.
Un conte basque est un peu différend : un garçon doit être tué s'il n'a pas coupé une pièce de fougère avant que le coucou n'ait chanté.
Il se lève avant le jour, mais entendant le coucou, il tire sur l'arbre d'où le chant partait et c'est sa maîtresse qui en tombe.


Suite…


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