La Terre et le monde souterrain

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III. Les forêts

a - Origine et disparition

Les habitants des forêts et ceux du voisinage ne se préoccupe guère de leur origine;
ils semblent croire d'ordinaire que, de même que les montagnes et la mer, elles existent depuis les premiers jours du monde, ou qu'elles remontent à une époque si lointaine qu'elle se perd dans la nuit des âges.
c'est sans doute pour cela que les légendes qui racontent leur création sont assez rares, et qu'elles s'appliquent seulement à celles dont l'étendue n'est pas considérable.

 

Ce sont les fées qui, après avoir construit le château de Montauban de Bretagne, semèrent la forêt qui l'avoisine afin de lui donner de l'ombre.
Une légende monacale attribuait un rôle analogue à une sainte.
Jadis le bois de Prisches à Battignie-les-Binche, en Hainaut, appartenait à l'abbaye bénédictine de sainte Rictrude de Marchiennes;
mais son sol ne produisait point de chênes; ce n'était qu'un fourré d'arbustes peu élevés.
Les paysans assurent qu'un jour sainte Eusébie (fille de sainte Rictrude) apparut, la manche de sa pelisse pleine de glands qu'elle sema dans ce bois et dans les champs voisins.
Ces semences répandues par la main de la vierge pénétrèrent dans le sol, et la terre, en les fécondant dans son sein, produisit une nouvelle forêt, et l'on vit monter dans le ciel les cimes élevées de chênes nombreux.
C'est de la pelisse de la sainte que l'endroit tire son nom, comme qui dirait le Bois aux pelisses.

Dans les Vosges, la petitesse des chênes d'un certain quartier de la forêt de Rapaille est attribuée au courroux d'une fée.
Au temps jadis, le premier vendredi de la première lune qui suivait le dimanche de la Trinité, cette forêt recevait la visite d'une fée, désignée sous le nom de dame Agaisse, à cause de son cri perçant, assez semblable à celui d'une pie, par lequel elle annonçait son arrivée. (la pie se dit aussi : ageasse ou agasse)
A ce signal, il n'était ni homme ni bête, insecte ou oiseau, ayant son gîte sous le couvert, qui n'accourût pour rendre hommage à la fée comme souveraine.
Les arbres eux-mêmes s'inclinaient devant elle.
Il advint pourtant une fois que les chênes du Hennefète refusèrent de remplir leur devoir.
Dame Agaisse entra dans une violente colère et condamna ces arbres orgueilleux à devenir nains sur l'heure.
Bien que des centaines d'années se soit écoulées depuis la malédiction, elle pèse encore sur cette partie de la forêt.
Les chênes restent petits, souffreteux, éternellement les mêmes.

 

b - Enchantements et merveilles

On racontait au Moyen Age que des personnages, portés à la vie contemplative, étaient si profondément séduits par le charme de la forêt qu'ils y restaient pendant des années, parfois pendant des siècles, sans se souvenir qu'il existait un monde extérieur et que le temps s'écoulait.
Maurice de Sully raconte qu'un bonhomme de religion, ayant prié Dieu de lui faire voir telle chose qui pût lui donner une idée de la grande joie et de la grande douceur qu'il réserve à ceux qu'il aime, Notre-Seigneur lui envoya un ange en semblance d'oiseau;
le moine fixa ses pensées sur la beauté de son plumage, tant et si bien qu'il oublia tout ce qu'il y avait derrière lui.
Il se leva pour saisir l'oiseau, mais chaque fois qu'il venait près de lui, l'oiseau s'envolait un peu en arrière, et il l'entraîna après lui tant et si bien qu'il lui fut avis qu'il était dans un beau bois, hors de son abbaye.
Le bonhomme se laissa aller à écouter le doux chant de l'oiseau et à le contempler.
Tout à coup, croyant entendre sonner midi, il rentra en lui-même et s'aperçut qu'il avait oublié ses heures.
Il s'achemina vers son abbaye, mais il ne la reconnut point; tout lui semblait changé.
Il appelle le portier, qui ne le remet pas et lui demande qui il est.
Il répond qu'il est moine céans, et qu'il veut rentrer.
« Vous, dit le portier, vous n'êtes pas moine de céans, oncques ne vous ai vu.
Et si vous en êtes, quand donc en êtes-vous sorti ?
Aujourd'hui, au matin, répond le moine.
— De céans, dit le portier, nul moine n'est sorti ce matin. »
Alors le bonhomme demande un autre portier, il demande l'abbé, il demande le prieur.
Ils arrivent tous, et il ne les reconnaît pas, ni eux ne le reconnaissent.
Dans sa stupeur, il leur nomme les moines dont il se souvient.
« Beau sire, répondent-ils, tous ceux-là sont morts, il y a cent ans passés.
Or rappelez-vous où vous avez été, d'où vous venez, et ce que vous demandez. »
Alors enfin le bonhomme s'aperçut de la merveille que Dieu lui avait faite, et sentit combien le temps devait paraître court aux hôtes du Paradis.

 

Un Templier de Beaucourt, nommé frère Jean, qui au rebours de ses compagnons dissolus se faisait remarquer par sa piété, s'étant un jour retiré dans le bois voisin, entendit au pied de l'arbre près duquel il était à genoux la voix d'un pinson, qui lui parut si mélodieuse qu'il souhaita de rester là deux cents ans à l'écouter.
Dieu exauça sa prière et fit pousser autour de lui une épaisse frondaison.
Les deux cents ans révolus, l'oiseau cessa de chanter, et le Templier reprit le chemin du couvent, sans se douter du temps qu'il avait passé.
Il trouva le monastère bien changé et vint frapper à la porte.
Comme le frère tourier, qui portait un habit monastique inconnu au Templier, lui demandait son nom, il répondit qu'il était le frère Jean, et qu'il était sorti une heure auparavant pour aller prier Dieu dans les bois.
On le fit entrer, et l'on vit, en compulsant les archives, que bien des années auparavant, avant le supplice des Templiers, un certain frère Jean avait disparu subitement.

 

L'oiseau dont la voix charmeuse fait oublier le temps ne figure plus que dans les légendes;
mais on croit encore maintenant que l'on est exposé à rencontrer sous le couvert des forêts une herbe mystérieuse, appelée herbe d'oubli ou d'égarement.
Celui qui met le pied sur la « tourmentine », qui pousse dans les bois de la Madeleine, fait et refait cent fois le même trajet, sans pouvoir se reconnaître tant qu'il n'a pas trouvé la parisette, dont les graines indiquent le chemin à suivre par la direction où elles tombent.

Il y avait peut-être aussi des plantes magiques dans la forêt de Chanteloube, où l'on n'osait pénétrer après la nuit close, non seulement à cause des bruits qu'on y entendait et des apparitions qui s'y montraient, mais encore parce que si l'on allait vers la Fosse du Diable, on était forcé d'y rester jusqu'au point du jour, car on avait beau essayer de s'en éloigner, on revenait toujours sur ses pas.

Les forêts ont eu sans doute d'autres herbes merveilleuses;
elles semblent à peu près ignorées de la tradition contemporaine; pourtant on trouve dans les bois de Saint-Denoual (C.-d'A.) une plante qui pousse seulement dans les chênes creux.
Celui qui la mangerait, en ayant à la main une branche de gui et une de verveine, aurait la faculté de devenir invisible et de se transporter à volonté d'un lieu à un autre.

 

Plusieurs légendes racontent que des esprits de la forêt, pour secourir des personnes affligées ou pour être agréables à ceux qu'ils aiment, leur font présent de charbons ou de divers objets qui se changent en or.

Un jeune charbonnier, auquel ses deux aînés avaient confié la garde de leur fouée, s'endormit, et quand il se réveilla elle était éteinte;
il aperçut au-dessus des arbres des flammes qui s'élevaient à une hauteur prodigieuse;
il pensa que d'autres charbonniers avaient allumé un grand feu pour se préserver de la rosée, et il résolut d'aller leur demander quelques tisons.
En approchant, il vit que les flammes étaient de diverses couleurs, bleues, blanches, jaunes, rouges, etc.
Minuit sonna à l'église de Paimpont, et il reconnu qu'il était tout près de la Crezée de Trécelien, où les divinités des bois se réunissaient chaque nuit.
Plusieurs nymphes le saisirent et l'entraînèrent dans la Crezée, en face d'un immense brasier devant lequel se chauffait le dieu des chênes.
Le garçon lui raconta sa mésaventure, et le dieu lui dit :

« Pique dans le feu, prends une bûche, n'y reviens pas et fais-en bon usage. »

Le petit charbonnier retira du foyer une bûche enflammée, et arrivé à son fourneau, l'y plaça au milieu des charbons.
Le feu reprit comme par enchantement. Le lendemain il trouva sous les cendres un énorme lingot d'or qu'il alla vendre à Paris;
avec le produit il acheta un château aux environs de Plénan, où il mena joyeuse vie.
Mais un incendie dévora son château et le ruina.
Alors il eut l'idée de revenir à Crezée; il raconta la même histoire au dieu des chênes, mais celui-ci se mit à rire et lui dit :

« Nous verrons tout à l'heure si tu dis vrai; enfonce ta pique et tâche d'en retirer une bûche. »

Le charbonnier obéit, mais il essaya vainement de la retirer : ses mains semblaient rivées à sa pique, les flammes montèrent tout le long, puis dévorèrent le malheureux;
le matin ce n'était plus qu'un monceau de cendres sur lequel poussa le petit chêne rabougri que l'on voit encore et qui s'appelle l'arbre du charbonnier.

Le plus ordinairement ce sont les dames des bois qui font présent aux hommes d'objets en apparence vulgaire qui se changent aussi en métaux précieux.
Des fées qui avaient leur demeure dans les arbres d'une forêt franc-comtoise se mêlèrent un jour à la noce d'une gentille mariée.
Avant de s'en aller, elle laissèrent à l'épousée et à ses compagnes, en guise de cadeau, un bout de branche de sapin.
La mariée, en quittant le lendemain sa couche nuptiale, trouva sa tige changée en or;
les filles de la noce, qui avaient dédaigné la leur et l'avaient jetée sur la route, en furent bien marries et ne purent les retrouver.

 

Les « boisiers » racontent souvent que des bûcherons, en abattant de vieux arbres, ont mis à découvert des cassettes remplies de monnaies, qui avaient été déposées entre leurs racines, ou que des étrangers, guidés par d'anciens parchemins, ont déterré de l'or ou de l'argent qui avaient été cachés autrefois :
il y a quelques années, le bruit courut que des gens qu'on ne connaissait point dans le pays avaient creusé la nuit au pied d'un gros chêne de la forêt de Haute-Sève (Ille-et-V.) et y avaient trouvé un coffre sans doute plein d'espèces monnayées, dont on vit le lendemain, au milieu de la terre fraîchement remuée, les planches à demi pourries.

Le trésor de l'abbaye de Lucelle avait été enfoui, lors des événements de 1789, sous un arbre d'une petite forêt du Jura bernois;
le moine qui l'y avait caché ne put le retrouver quelques années après, l'arbre ayant été coupé ainsi que ses voisins;
on dit que son âme erre souvent dans la forêt à la recherche du dépôt qu'il avait placé sous les racines.

Ces richesses ne sont pas, comme beaucoup d'autres, sous la surveillance jalouse de personnages ou d'animaux fantastiques;
cependant on disait en Basse-Normandie, au milieu du 19ème siècle, qu'un renard invulnérable était préposé à la garde d'un trésor caché dans la forêt de Gouffern.

 

c - Les fées et les dames de la forêt

La croyance aux fées sylvestres était très répandue au Moyen Age;
on prétendait qu'elles se montraient dans plusieurs forêts, et en particulier dans celle de Brocéliande, si célèbre par ses enchantements que le poète Robert Wace alla la visiter parce que :

Là soll l'en li fées véir,
Se li Bretunz disent veir.
(Là seulement les fées viennent, si les bretons disent vrai.)

Souvent elles se présentent aux chercheurs d'aventures auprès des fontaines cachées, comme celle de Barenton, dans les profondeurs des bois.
Mélusine attire Raimondin, en lui faisant poursuivre un cerf, près de la fontaine de la soif, dans la forêt de Colombières en Poitou.
Une fée, qui veut être aimée de Graelent, lui fait chasser une biche qui l'amène près d'une fontaine où elles se baigne;
une autre se change même en biche et est blessée sous cette forme par Gugemer.

Les habitants des forêts semblent croire encore de nos jours que les fées ne les ont point quittées à jamais;
toutefois il est rare de rencontrer dans nos traditions des personnages qui puissent être assimilés aux dryades ou aux hamadryades de l'Antiquité.

Quelques récits montrent pourtant certaines fées en relation directe avec les arbres.
A Rouge-Vie, douze fées des Vosges, qui venaient parfois assister aux veillées, se retiraient à minuit, et ne souffraient pas que les jeunes gens les reconduisent à leurs mystérieuses demeures.
L'un d'eux eut la curiosité de les suivre, et, arrivé sur le plateau de la montagne, il les vit se souhaiter la bonne nuit les unes aux autres et entrer chacune dans un arbre;
mais il porta la peine de sa curiosité, car trois jours après, ayant monté sur un sapin pour recueillir de la poix, il fit une chute et se rompit le cou.

Les fées des Roches de Thenay aimaient à se promener la nuit;
on les rencontrait dans la forêt de Marey, au lieu dit la coupe de Grand-Perche, à une demi-lieue de leurs grottes.
Là, elles avaient choisi les plus gros arbres, et enlaçant les branches, elles s'y reposaient.
Tout bûcheron, qui avait été assez hardi pour mettre la cognée au chêne ou au hêtre servant de fauteuil à la fée, a été puni de mort dans le courant de la même année.

 

Les unions de dames forestières avec des hommes semblent maintenant à peu près ignorées de la tradition, qui les représente comme vivant entre elles;
elles ne forment pas, comme celles de la plupart des autres groupes localisés, des espèces de familles;
il n'y a pas de féetauds (fées mâles) sous le couvert, et la légende qui suit est la seule où il soit question de leurs enfants.

Dans la forêt de Jailloux (Ain) sont de très vieilles fées qu'on appelle Sauvageons.
L'une d'elles avait un petit qui allait toujours courant sur les sapins que les bûcherons coupaient.
Un jour, ils firent faire des souliers rouges et les clouèrent sur le bois.
L'enfant mis ses pieds dedans et fut pris.
Mais il était triste et se refusait obstinément à parler.
Pour lui délier la langue, on employa le même procédé qu'en Bretagne, et l'on mit des coquilles d'œuf devant le feu.
L'enfant dit alors aux bûcherons :

J'ai bien des jours et bien des ans,
Jamais je n'ai vu tant de p'tits tupains blancs.

On ne put rien en tirer de plus. (voir plus de détails mer page 6, chap. b)

 

Au Moyen Age on parlait assez fréquemment des fées forestières qui se plaisaient à faire entrer dans leur ronde les hommes qui passaient, après le coucher du soleil, dans les clairières où elles avaient coutume de s'ébattre;
la légende qui suit, parue vers 1500, était sans doute connue bien avant cette époque.
« Au temps passé advint en Poictou que trois jouvenceaux, fils du seigneur de Luzignan, traversant une forêt pendant la nuit, rencontrèrent trois jeunes fées de la cour de Mélusine, belles, plaisantes et gracieuses à merveille.
Voyant venir les jouvenceaux, elles les prièrent à danser avec elles quelques-unes des bonnes danses qu'elles souloient danser au royaume de féerie.
Les jouvenceaux s'accordèrent volontiers à leur requestre, attirés par la beauté d'icelles fées.
Par quoy, chaque fée prit son jouvencel en telle manière, qu'ils dansèrent toute la nuit;
si que, en dansant, capricolant, saultant, s'appelant, se respondant, s'arrestant, se regardant amoureusement, se reposant, se cachant, voir même jouant à certain jeu dont les fées ne se lassent mie non plus que les femmes naturelles, le jour s'apparut dont furent moult esbayes les fées qui ne l'attendoient point sitost.
Adonc, la plus ancienne print la parolle et dit aux jouvenceaux :

« O doux amis, mes sœurs et moi sommes contrainctes de retourner au royaumes de féerie avant le jour, mais ô beaux jouvenceaux ! ayant veu vostre libérale voulenté et la peine qu'avez prinse pour l'amour de nous, semblablement le plaisir que nous avez donné, nous vous octroyons à chascun pour sa récompense ung don, à sçavoir, que le premier souhait que chascun fera luy adviendra certainement;
et pour tant, si vous estes sages, ne souhaitez chose qui ne vous soit proffitable ou à honneur. »

Aussi tost qu'icelle fée eust fini son dire, elle disparut, et les autres aussi, et oncques depuis les trois jouvenceaux n'en entendirent parler. (Nicolas de Troyes)

 

Les fées des bois ont gardé le goût de la danse qui était habituel à leurs devancières.
On montrait jadis près d'Orléans un arbre à Fées, ainsi nommé parce que les fées venaient y danser autour au clair de lune.

En Picardie, des fées appelées Sœurettes exécutaient chaque nuit des danses analogues à celles des Bacchantes dans un bois appelé Bacchan-Sœurettes.
C'est de que lui serait venu son nom.

Dans la forêt de l'Isle-Adam, les fées se montraient la nuit sous l'apparence de feux follets qui étaient fort redoutés, et auxquels on donnait le nom de Fays;
lorsqu'on en approchait, on voyait que c'était des femmes.

Un fermier racontait, vers 1850, qu'une fois, à minuit, sa voiture fut tout à coup entourée de Fays qui dansaient en rond.
L'une d'elles prit la bride de son cheval, et l'entraîna bien loin sous le couvert et toujours en tournant, si bien qu'au petit jour, il était complètement perdu.

Dans la forêt de Bruandeau, à la limite du pays chartrain et du Berry, est la demeure des Figots, ou feux follets;
chaque nuit ils y arrivent nombreux, et dansent des rondes échevelées avec les fées, dont la résidence est au centre de la forêt.

La forêt de Montoie, dans le Jura bernois, est hantée par des esprits ou par des fées qui égarent les voyageurs assez téméraires pour s'approcher du lieu où elles tiennent leurs rondes.
Beaucoup de personnes, même de nos jours, ne voudraient pas s'aventurer seules dans cette forêt.

 

Les seules légendes de fées sylvestres qui aient été recueillies en Haute-Bretagne, où pourtant les forêts sont assez nombreuses et présentent des particularités de nature à prêter au merveilleux, parlent des fées qui s'amusent à éprouver les hommes.
Une belle dame, vêtue de blanc, se montra dans une clairière de la forêt de La Nouée à un bonhomme qui venait d'y faire des fagots.
Comme il se plaignait de sa pauvreté, elle lui demanda s'il serait content d'avoir de l'or plein le petit pot qui lui servait à mettre sa soupe;
quand l'homme, ayant regardé dedans, l'eut vu plein de pièces jaunes, elle lui demanda d'aller chercher un vase plus grand.
Lorsqu'il revint, elle avait disparu; son pot ne contenait plus qu'un reste de soupe, et il vit un peu de mousse jaunâtre sur la pointe d'un rocher qu'on a depuis appelé le Pertus doré.

Un autre homme, qui rencontra dans la forêt de Loudéac des fées qui étendaient leur argent sur des draps blancs, éprouva la même mésaventure.

 

En Normandie, une fée bienfaisante, que plus d'un vieillard assure avoir vue assise sur des blocs escarpés, habitait la forêt d'Andaine;
mais celle de la Ferté-Macé était hantée par la fée du Mal, dite la Grande Bique, probablement parce qu'elle se montrait parfois sous l'aspect d'une chèvre.

 

A Moulé-de-Fressines, des dames, c'est-à-dire des fées sans attributions bien déterminées, se promènent dans les bois, et leur apparition est très redoutée.

Un grand nombre de personnages fantastiques se montraient au pied d'un vieux chêne au bord d'un des chemins de la forêt de Rouvray :
une dame s'y tenait souvent et semblait présenter une chaise aux voyageurs.
Plusieurs, pour s'être imprudemment arrêtés en ce lieu, avaient été mis à mort par les fantômes qui y prenaient leurs ébats.

 

On peut rattacher aux fées les dames vertes et les dames blanches qui, surtout dans le nord, apparaissent dans certaines forêts;
leurs gestes sont assez semblables, mais parfois elles paraissent tenir au monde des revenants.

En Bourgogne, des dames blanches, qui habitent un ravin profond dont les parois sont couvertes de forêts, guident les voyageurs, en les prenant par la main, dans le dédale des chemins qui y serpentent.

A Saint-Georges-de-Rouellay, on voit dans un petit bois une forme blanche qui, à l'approche des gens, s'évanouit au milieu des branches;
tantôt elle semble vive, pleine de joie et fait entendre un doux chant, tantôt triste et abattue, elle pleure amèrement.

Dans les bois de la Fau près de Dôle, des dames blanches, qui semblent avoir des passions amoureuses, vont à la rencontre des voyageurs.

Dans les Vosges, des dames vertes se voyaient dans les profondeurs des bois.

En Franche-Comté, la dame verte de Relans a des compagnes, vêtues comme elle de superbes tuniques vertes, que l'on rencontre de temps en temps dans un sentier de la forêt.
Elles viennent au-devant des hommes qui la traversent, et elles en ont parfois entraîné par d'invincibles agaceries en des endroits écartés et secrets.
Le charme, assure-t-on, ne durait pas;
ces beautés si aimables, si gracieuses, se transformaient bientôt en mégères impitoyables et pourchassaient leurs dupes avec furie.
Le réduit de ces nymphes s'illuminait parfois de la lueur des feux qu'elles allumaient dans la solitude.
Alors on entendait crier, rire et chanter.

En Basse-Normandie, les Milloraines, femmes aux proportions gigantesques, s'évanouissaient quelquefois dans les arbres avec un bruit d'ouragan, quand on s'approchait d'elles.
D'autres fois, elles se tenaient sur les branches et s'élançaient sur les passants qui sentaient un poids intolérable sur leurs épaules mais ne voyaient plus rien.

On désigne sous le nom de Femmes de mousse, dans le département du Nord, des espèces de fées qui apparaissent quelquefois aux gens qui travaillent dans les forêts.


Suite…


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