Origine : Haut-Vivarais
Année de l'arrangement : 2008


 

Ce que je vois dans mon verre


  Dedans un pot de vin clairet,
Soutien de la faiblesse humaine
bis

Quand le dimanche au cabaret,
Après une rude semaine,
Sur mon bras j'appui en rêvant
Mon front que l'on trouve sévère,
J'entends dire à chaque moment :
— Que regarde-t-il dans son verre ?

 

C'est mon présent, c'est mon passé,
Enfin j'y vois une chaumine,
L'alvôve où je fus bercé
Au refrain d'une voix câline.
Un matin en ouvrant les yeux,
Souriant j'appelai ma mère.
On me dit qu'elle était aux cieux.
C'est ce que je vois dans mon verre.

 

Le temps passa et j'eus vingt ans,
C'est l'âge où l'amour vous domine.
Par un matin de gai printemps,
J'épousai Jeanne ma cousine.
Le ciel bénit notre union;
Ma compagne me rendit père;
La joie habitait ma maison.
C'est ce que je vois dans mon verre.

 

Jeanne des champs rentrait un soir.
Un éclair luit, la foudre tombe.
Le lendemain, sous un drap noir,
On portait Jeanne dans la tombe.
Ce fut pour nous un triste jour :
Mon enfant n'avait plus de mère
Et moi je n'avais plus d'amour.
C'est ce que je vois dans mon verre.

 

Mon fils grandissait, c'est ma joie,
Un des plus fiers gars du village.
Il avait le maintien d'un roi,
Taille élancée et beau visage;
Le pays eut besoin de lui :
Il se fit tuer à la guerre
Et ma vieillesse est sans appui;
C'est ce que je vois dans mon verre.

 

Parfois le ciel s'ouvre à mes yeux,
C'est une extase à faire envie.
Au paradis j'aperçois ceux
Que j'ai aimés dans cette vie.
Heureux alors d'un tel émoi,
Je ne suis plus seul sur la terre :
Ma famille est autour de moi.
C'est ce que je vois dans mon verre.


Source : Joannès Dufaud - Chansons anciennes du Haut-Vivarais, vol. II page 128

Chanson transmise à Dufaud par Emile Printemps, de Vinzieux.

Elle fut vraisemblablement écrite par un lettré.

 

Voir une autre version de ce chant :

Dimanche au soir (Canada - Terre-Neuve) page 203 n° 4049