Origine : Québec
Année de l'arrangement : 2004


 

Germine


C'est la jeune Germine, assise sur son lit.
A son château arrivent trois gentils cavaliers.
Ont demandé Germine, fillette à marier.

2.
Je ne suis pas fillette, fillette à marier.
Je me suis mariée à quinze ans et demi ;
A plus de sept années, mon mari est parti.

3.
Ah, bonjour donc, madame ! Peut-on loger ici ?
C'est en l'honneur du prince d'Amboise et d'Amboisi'.
Le plus joli gendarme qu'y a dans le pays !

4.
Ah non, certes, dit-elle, je n'loge personne ici !
Rendez-vous chez sa mère à ce château fleuri ;
Ell' loge tout le monde pour l'amour de son fils.

5.
Ah, bonjour donc, madame ! Peut-on loger ici ?
C'est en l'honneur du prince d'Amboise et d'Amboisi'.
— Ah oui, certes, dit-elle, pour l'amour de mon fils !

6.
Quand ils fur't mis à table, à l'heure du souper,
Ils ne voulaient pas boire, ni boire ni manger.
Mais il leur faut Germine assise à leur côté.

7.
Ah, bonjour donc, Germine ! Chez nous, trois cavaliers,
Mais ils ne veul't pas boire, ni boire, ni manger.
Ils désir't trop Germine, l'avoir à leur côté.

8.
— O mère, méchante mère, allez-vous-en d'ici !
Si vous n'étiez la mère, la mère de mon mari,
Je vous ferais jeter en bas du pont-levis.

9.
— Partons, chers camarades ! Nos chevaux sont sellés.
A la tabl' de Germine, je veux aller souper.
Dans le lit de Germine, je veux aller coucher.

10.
— Germine, belle Germine ! Ouvre-moi, ton mari !
— Non, je ne croirai pas que tu es mon mari
Avant que tu me dises quel jour que tu m'a pri' !

11.
— Te souviens-tu, Germine, du dix-sept au matin ?
Tu avais à tes noces tes oncles et tes cousins ? (bis)

12.
— Non, je ne croirai pas que tu es mon mari
Avant que tu me dises quel cheval j'avait-i' ? (bis)

13.
— T'en souviens-tu, Germine ? Ton cheval de Paris…
— Non, je ne croirai pas que tu es mon mari.
Avant que tu me dises quell' robe j'avait-i' ?

14.
— T'en souviens-tu, Germine ? Ta robe de satin gris ?
— Ah non, je ne crois pas que tu es mon mari.
Donne-moi des remarques de la première nuit.

15.
— T'en souviens-tu, Germine ? Tes anneaux d'or uni…
Je t'ai serré si fort, si fort dedans mes bras,
Que ton anneau cassa. Germine, le voilà !

16.
— Servant's, belles servantes ! Accourez tout's ici !
Allumez les flambeaux aux quatre coins du lit.
Je vais ouvrir toute grande la porte à mon mari !


Source : M. Barbeau - Chansons populaires du Vieux Québec, page 59

Cette belle complainte de Germine ou de Germaine, nous conduit tout droit au moyen âge ; à l'ère des croisades.

Le croisé dont elle dit le retour est le prince d'Amboise, qui voyagea au loin sur la mer, fut absent longtemps, pendant que sa jeune épouse, fort éprouvée, l'attendait en lui gardant la foi jurée.

Elle est d'un souffle aussi puissant que celui d'un autre chef-d'œuvre de la chanson française, le Roi Renaud.

Chanson oubliée en France, elle est encore vivace dans les provinces du Québec.
(M. Barbeau)

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