Origine : Bretagne
Année de l'arrangement : 2011


 

Bosen Elliant

(La peste d'Elliant)


Tre Langolen hag ar Faouet
Ur barzh santel a vez kavet
Hag eñ Tad Rasian anvet

etc.

 

traduction

Entre Langolen et le Faouet, habite un saint Barde,
qu'on appelle le Père Ratian ;
Il a dit aux hommes du Faouet :

Faites célébrer chaque mois une messe, une messe dans votre église.
La peste est partie d'Elliant, mais non pas sans fournée :
elle emporte sept mille âmes.

En vérité, la mort est descendue dans le pays d'Elliant,
tout le monde périt, hormis deux personnes.
Une pauvre vieille femme de soixante ans et son fils unique.

« La peste est au bout de la maison, disait-elle ;
Quand Dieu voudra elle entrera ;
lorsqu'elle entrera ; nous sortirons. »

Sur la place publique d'Elliant,
on trouverait de l'herbe à faucher,
Hormis dans l'étroite ornière de la charrette qui conduit les morts en terre.

Dur eût été le cœur qui n'eut pas pleuré,
au pays d'Elliant, quel qu'il fût.
En voyant dix-huit charrettes pleines à la porte du cimetière, et dix-huit autres à venir.

Il y avait neuf enfants dans la même maison,
un même tombereau les porta en terre.
Et leur pauvre mère les traînait.

Le père suivait en sifflant…
Il avait perdu la raison .
Elle hurlait, elle appelait Dieu, elle était bouleversée corps et âme.

— Enterrez mes neuf fils, et je vous promets un cordon de cire
qui fera trois fois le tour de vos murs.
Qui fera trois fois le tour de votre église, et trois fois le tour de votre asile.

J'avais neuf fils que j'avais mis au monde,
et voilà que la Mort est venue me les prendre,
Me les prendre sur le seuil de ma porte ;
plus personne pour me donner une petite goutte d'eau !

Le cimetière est plein jusqu'aux murs ;
l'église pleine jusqu'aux degrés ;
Il fauf bénir les champs pour enterrer les cadavres.

Je vois un chêne dans le cimetière, avec un drap blanc à sa cîme : la peste a emportée tout le monde.


Source : J. B. Weckerlin - Chansons populaires du pays de France, volume I, page 200

Origine : Th. Hersart de La Villemarqué, Barzaz Breiz, page 131 et 706

« La peste qui désola toute l'Europe au 6e siècle fit de grands ravages en Armorique :
ceux qui en étaient frappés perdaient les cheveux, les dents et la vue, jaunissaient, languissaient, et ne tardaient pas à mourir.
Il y eut des cantons dont la population fut emportée toute entière.
La paroisse d'Elliant, en Cornouaille, fut de ce nombre.
Le pays voisin, et celui de Tourc'h en particulier, dut aux prières d'un solitaire nommé Ratian, qui y habitait, le bonheur d'être préservés du fléau…»

La peste d'Elliant ne se chante jamais sans qu'on y joigne l'étrange légende que voici :

« C'était jour de pardon au bourg d'Elliant ;
un jeune meunier, arrivant au gué avec ses chevaux,
vit une belle dame en robe blanche,
assise au bord de la rivière,
une baguette à la main,
qui le pria de passer l'eau.

— Oh ! oui, sûrement, madame, répliqua-t-il ;
et déjà elle était en croupe sur sa bête,
et bientôt déposée sur l'autre rive.
Alors, la belle dame lui dit :
— Jeune homme, vous ne savez pas qui vous venez de passer :
je suis la Peste.
Je viens de faire le tour de la Bretagne,
et me rends à l'église du bourg, où l'on sonne la messe ;
tous ceux que je frapperai de ma baguette mourront subitement ;
pour vous, ne craignez rien, il ne vous arrivera aucun mal,
ni à votre mère non plus. »

Et la peste a tenu parole, me faisait observer naïvement un chanteur car la chanson a dit :

« Tout le monde périt, hormis deux personnes :
Une pauvre vieille femme et son fils. »

« Savez-vous, me disait un autre, comment on s'y prit pour lui faire quitter le pays ?
On la chanta.
Se voyant découverte, elle s'enfuit.
Il n'y a pas plus sûr moyen de chasser la Peste que de la chanter ;
aussi, depuis ce jour, elle n'a pas reparu. »

De La Villemarqué ajoute, que ce chant fut recueilli par sa mère.


Voir d'autres versions de ce chant :

Bosen Elliant (2) (Bretagne) n° 3202 page 161

Bosenn Eliant (Bretagne) n° 4457 page 223